La proie et l'ombre
J'ai intitulé cet article "La proie et l'ombre" car je vais parler de l'authenticité du pin's, critère pas assez abordé à mon sens quand on considère l'exploitation mercantile de cet objet de collection. Pour traiter de ce sujet il me faut une nouvelle fois faire un distinguo entre les deux techniques de fabrication concurrentes que sont l'émail grand feu et l'émail de synthèse. Avec le recul on peut entrevoir les conséquences de cette évolution graduelle dictée uniquement par des impératifs ou des motivations lucratives.
A l'origine et durant les premières années le pin's, fils de l'épinglette, était exclusivement en émail grand feu. Ce sont les états-uniens qui ont inauguré la forme moderne de ce vecteur de communication. Le sport, le tourisme et grandes enseignes comme Mc Donald's, Coca-Cola, Hard Rock Café ont été les principaux acteurs de l'émergence d'un marché avec l'Asie du Sud-Est.
Le pin's ne se concevait alors qu'émaillé, ce type de fabrication complexe et exigeante nécessitait une main d'œuvre habile et expérimentée, cependant d'un coût modique selon les niveaux de revenus de cette partie du monde à cette époque.
Sont arrivés par la suite des techniques de bien moindre qualité pour abaisser encore les prix et répondre à une demande massive de pin's publicitaires à produire rapidement et en grandes quantités.
Les processus de fabrication d'une émission de pin's passait donc par une correspondance éloignée et longue avec les fournisseurs, la lourdeur de cette démarche ne facilitait pas les retirages et les initiatives individuelles. Une relation client-fournisseur préparée et suivie était nécessaire.
Seuls les grands fabricants ont obtenu un niveau de prestations constant assujetti à un cahier des charges.
Pour s'affranchir de ces difficultés certaines entreprises se sont tournées vers une nouvelle technique de fabrication plus simple et pratique gardant un niveau de qualité acceptable. Les émaux de synthèse, liquides, sans cuisson, permettaient d'envisager une fabrication relocalisée hors d'Asie et surtout beaucoup moins exigeante en temps et compétences de main d'œuvre.
Cette facilité a peu à peu conduit à l'abandon de l'émail grand feu pour l'émail de synthèse, il n'est absolument pas envisageable de faire fabriquer un pin's EGF aujourd'hui. Le tarissement de la demande a dû mettre à mal les ateliers sud-asiatiques dévolus à ce marché, les marques spécialisées EGF ont mis un terme à ce type d'offre désormais financièrement irréaliste.
Plusieurs conséquences à cet état de faits :
Les pin's EGF sont désormais une rareté historique.
Les variantes de couleurs et les séries de pin's sont limitées et contingentées pour les pin's EGF, les retirages furent rares et réservés aux quotas importants planifiés sur de longues périodes pour répondre à une demande.
Les difficultés liées à cette technique interdirent les contrefaçons crédibles et les retirages à grande échelle que l'on a connu au plus fort du phénomène pin's.
La facilité du procédé émail de synthèse laisse libre cours aux élucubrations picturales les plus débridées mal servi par un choix de couleurs très limité et l'aspect catastrophique de certains tons comme le rose, le jaune citron ou le vert.
Plus succinctement l'émail grand feu apporte une authenticité à l'objet pin's, par le sérieux et la déontologie de ses grands fabricants, par la multiplicité de ses critères de qualité, et par son rendu inimitable et archétypique.
J'ai pris en exemple pour illustrer cet article deux pin's Marilyn en émail de synthèse assez représentatifs des errances créatrices induites par cette option.
Les grands thèmes les plus populaires comme Marilyn, Ferrari, Le TGV, Walt Disney, Tintin, les pompiers, les JO ou le tennis ont donné lieu à pléthore d'émissions anarchiques uniquement justifiées par la "demande" de collectionneurs.
Quelques faiseurs avisés ont surfé sur cette soif et sur la souplesse d'émaillage du zamak pour nous abreuver de moult déclinaisons colorées d'un même pin's, certaines réussies mais d'autres assez discutables.
Quel intérêt, me direz-vous, à multiplier ces combinaisons à l'infini ? Est-ce l'esprit d'une collection de rassembler ces produits formatés et dénués de toute justification fondée. Je vous laisse méditer sur ce point.
Pour ma part mon intérêt s'est tourné depuis longtemps vers les pièces anciennes, le charme de leur authencité opère infailliblement et comble mes attentes.
Les Marilyn clignotantes de couleurs présentes autour de ces lignes ne figureront pas dans mes pages consacrées à l'éternelle Norma Jean.
bien !
moins bien !
oup's !
Date de dernière mise à jour : 06/04/2021